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Tchad-France : Fallait-il s’attendre à la rupture des accords de défense.
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29.11.2024

Politique

Tchad-France : Fallait-il s’attendre à la rupture des accords de défense.

Annoncée à la surprise générale le 28 novembre, la rupture des accords de défense entre N’Djamena et Paris a surpris jusque dans les cercles du pouvoir des deux capitales. Elle vient cependant achever un processus d’éloignement entamé depuis de longs mois. Récit.

Habituellement très bien informé des décisions au plus haut sommet de l’État, un des membres du sérail de N’Djamena a du mal à cacher sa stupéfaction, le 28 novembre dans la soirée. Lui aussi vient de recevoir le communiqué d’Abderaman Koulamallah, le ministre des Affaires étrangères du Tchad, qui annonce la rupture des accords de défense avec la France. Il a du mal à y croire.

Non loin, à l’ambassade de France, à N’Djamena, l’ambiance est un peu la même ce 29 novembre. Avec un brin de déception supplémentaire, et un soupçon de dépit. Depuis plusieurs mois, la diplomatie française au Tchad tentait pourtant de se convaincre que la relation historique entre Paris et le pouvoir des Déby Itno, père puis fils, était plus solide que beaucoup le pensent.

Un entretien « houleux » avec Mahamat Idriss Déby Itno

Le communiqué d’Abderaman Koulamallah intervient en outre au soir d’une visite du ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, à N’Djamena et à Adré, à la frontière avec le Soudan. Le diplomate y avait exhorté « les puissances étrangères qui sont alliées aux belligérants à cesser de jeter de l’huile sur le feu ». Une allusion claire à la Russie, voire à l’Iran, mais aussi aux Émirats arabes unis.

Ceux-ci sont accusés de soutenir financièrement et militairement les Forces de soutien rapide du général Mahamat Hamdan Daglo, dit Hemetti, notamment avec des livraisons d’armes dont plusieurs sources affirment qu’elles ont été effectuées via le Tchad. Le sujet de la guerre civile au Soudan a d’ailleurs été évoqué lors de l’entretien entre Jean-Noël Barrot et le président Mahamat Idriss Déby Itno, le 28 novembre.

Selon une source diplomatique tchadienne, l’échange entre les deux hommes aurait été « tendu », voire « houleux ». Jusqu’à précipiter la rupture ? Un autre interlocuteur tchadien tempère, reprenant les termes du communiqué de son pays, lequel évoque une décision « prise après une analyse approfondie ». « On ne décide pas d’un tel changement sur un coup de tête », ajoute-t-il.

D’autant que l’éloignement entre N’Djamena et Paris est une réalité depuis de longs mois. Visé par une enquête du Parquet national financier français pour des soupçons de biens mal acquis, Mahamat Idriss Déby Itno avait annulé deux projets de visite en France, à l’occasion des Jeux olympiques et des commémorations du débarquement de Provence en juillet et août derniers.

Il s’était toutefois rendu en France pour le sommet de l’Organisation internationale de la francophonie, lors duquel il avait été reçu par son homologue, Emmanuel Macron. Les deux hommes avaient notamment discuté des accords de défense liant leurs deux pays, qui devaient être revisités sous la houlette de l’envoyé spécial du chef de l’État français, Jean-Marie Bockel.

Mahamat Idriss Déby Itno et la tentation russe

Il y a encore quelques jours, ce dernier expliquait, à Paris, qu’aucun pays africain n’avait à sa connaissance décidé de rompre lesdits accords. Une réduction de la présence militaire française au Tchad devait être proposée – d’un millier d’hommes actuellement à environ 300, selon certaines sources –, même si une partie de la diplomatie française y restait fermement opposée.

N’Djamena aurait cependant décidé de prendre Jean-Marie Bockel et Emmanuel Macron de vitesse. En partie pour des raisons de politique interne ? « Il y a un intérêt populiste à rompre les accords avec la France avant les élections législatives prévues fin décembre, confie un homme politique tchadien. N’Djamena n’est ni Bamako, ni Niamey, mais on peut y trouver les mêmes ressorts. »

« C’est effectivement une décision réfléchie de longue date », assure quant à lui un ancien conseiller de Mahamat Idriss Déby Itno. Pour cette source aujourd’hui en rupture avec le pouvoir de N’Djamena, le président tchadien a fait le choix de nouvelles alliances, en particulier avec la Russie de Vladimir Poutine, sur les conseils de plusieurs de ses proches et d’après l’exemple des pays voisins de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Parmi ceux-ci figurent notamment Idriss Youssouf Boy, son directeur de cabinet remplacé en septembre mais qui conserve l’oreille du chef de l’État, ou encore son secrétaire général de la présidence, Mahamat Ahmat Alhabo. La rencontre entre Mahamat Idriss Déby Itno et Vladimir Poutine, en janvier de cette année, avait été interprétée comme une victoire de ce camp russophile, qui prônait une rupture avec Paris.

« Le divorce pourrait être plus doux qu’on ne le pense »

« Cela fait des mois que l’on alerte le Quai d’Orsay [le ministère des Affaires étrangères français] sur le fait que Kaka [le surnom du président Déby Itno] est en train de choisir la Russie au détriment de la France. Pour nous, la décision de rompre les accords de défense n’est pas du tout une surprise », confie une source tchadienne à Paris. « Personne ne nous a écoutés », déplore-t-elle.

« Au-delà de l’effet d’annonce, il va falloir discuter des modalités et du calendrier de cette rupture, analyse une source diplomatique. Or l’intérêt du Tchad d’avoir un partenariat militaire avec la France n’a pas disparu, et N’Djamena a jusqu’ici veillé à ne pas être comparé aux pays de l’AES dans sa volonté souverainiste. Le divorce pourrait être plus doux qu’on ne le pense. » Dans son communiqué, Abderaman Koulamallah l’explique d’ailleurs : « Ce n’est pas une rupture comme [au] Niger ou ailleurs. »

La Tribune Info avec Jeune Afrique

Julie Astongar

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